Ahh les pays nordiques et leur modèle social que le monde entier envie ! Écologie, inclusion, progressisme… Et si cette égalité qui nous fait tant de l‘œil, n’était finalement pas tout à fait ce qu’on pensait ?
Lorsque l’on s’intéresse aux sociétés scandinaves, il est difficile de passer à côté de la Janteloven, ou « la loi de Jante ». Cette loi fictive est en réalité un concept socio-psychologique mettant en lumière certaines normes comportementales implicites qui seraient profondément ancrées dans la culture norvégienne.
Qu’est-ce que la loi de Jante ? Définition !
Sans la répéter ici dans son intégralité, la Jantelov dicte par exemple :
– « Tu ne dois pas croire que tu es spécial(e) »,
– « Tu ne dois pas t’imaginer que tu es meilleur(e) que nous »
– ou encore « Tu ne dois pas penser que tu es capable de quoi que ce soit ».
Aujourd’hui connue et revendiquée par les norvégiens comme étant le reflet de leur humilité légendaire et de l’importance qu’ils donnent à la collectivité et à la société plutôt qu’à l’individu. Toutefois, elle n’a en fait pas toujours eu cette connotation positive…
Les origines de la Jantelov
C’est l’écrivain dano-norvégien Aksel Sandemose, dans son roman intitulé Un fugitif recoupe ses traces (1933), qui a formulé ce concept. Il y retrace l’enfance d’Espen, un assassin qui essaye de comprendre ce qui l’a poussé à tuer. Selon lui, la pression sociale imposée par la loi de Jante (du nom de son village), humiliante et oppressante, est la cause du mal-être qui s’est emparé de lui et l’a mené à commettre cet acte irréparable.
Jante, la ville fictive de l’histoire, où Espen vit, est directement inspirée de Nykøbing au Danemark, où Sandemose lui-même à grandi.
À travers son livre, l’auteur critiquait à l’origine la mesquinerie, l’étroitesse d’esprit et la jalousie régnant, principalement, dans les petites communautés scandinaves. Ce faisant, il a fait de Jante l’étendard de la mentalité de toutes les villes et villages scandinaves. Et pourtant, les norvégiens, s’y étant vastement reconnus, se sont approprié cette Janlov et l’ont transformée en un principe structurant de leur identité et de leur caractère.
Une influence toujours présente sur la mentalité norvégienne
Si la Jantelov date du début du XXè siècle, elle continue aujourd’hui d’influer sur la société norvégienne dans divers domaines.
Le rapport à la réussite dans la culture norvégienne
Contrairement à la France, où la réussite personnelle est souvent célébrée, la Norvège a plutôt tendance à privilégier la modestie. Ou du moins, le succès n’est généralement pas affiché de manière ostentatoire.
Le monde du travail
Cette mentalité se retrouve bien sûr aussi dans le monde du travail, de différentes manières.
La première concerne l’organisation des entreprises : la hiérarchie y est souvent relativement ‘plate’, avec un management penchant plus vers le collaboratif que l’autoritaire. On ne devient certes pas manager pour rien, mais l’idée est que personne n’étant meilleur que les autres, on a tous des choses à s’apporter et on peut tous avoir des idées aussi géniales.
Idem, même si une tâche a été effectuée par une personne précise, ce sera l’équipe qui sera systématiquement félicitée. Et ne vous avisez pas de pointer que cet accomplissement est le vôtre, ce serait fort mal vu et pourrait même vous desservir dans votre évolution professionnelle.
De même, si vous intégrez une nouvelle société et vous montrez un peu trop vocal(e), votre côte de popularité en prendra certainement un coup. Je vous le rappelle, vous n’êtes meilleur que personne, donc vos grandes idées et belles opinions sur ce qui devrait être fait, pas fait ou fait autrement, ne sont pas les bienvenues. Surtout au début !
Une vision en mutation
Cela va de soi, à l’ère des réseaux sociaux où l’exposition de la réussite personnelle est plus que monnaie courante, la Jantelov est peut-être en train de perdre du terrain, notamment dans les grandes villes.
Les jeunes générations norvégiennes, influencées par la mondialisation et surtout par les États-Unis, adoptent peut-être doucement une vision plus individualiste.
Cependant, même si les mentalités évoluent et s’adaptent à leur époque, la Jantelov reste une clef essentielle pour comprendre la société norvégienne. Bien que tout le monde ne soit pas humble, elle explique pourquoi l’humilité et la coopération sont si profondément imprégnées dans l’ADN du pays et de ses habitants.
Pour conclure : fardeau ou force sociale ?
La loi de Jante est-elle finalement un frein à l’ambition personnelle ou une force garantissant l’égalité sociale ? Tout dépend du point de vue et comme toujours, de la mesure.
Pour certains, en limitant l’individualisme, elle bride l’innovation ; pour d’autres, elle favorise une société plus harmonieuse et solidaire.
Dans tous les cas, une chose est sûre : comprendre la loi de Jante permet de mieux appréhender les dynamiques culturelles et sociales de la Norvège. Alors, si vous envisagez de vous y expatrier, mieux vaut en avoir conscience pour éviter les malentendus culturels qui pourraient vous porter préjudice.